Avec 88,57% des voix, selon les résultats provisoires officiels annoncés mardi 24 mars, Denis Sassou-Nguesso a été réélu pour cinq ans président du Congo-Brazzaville. Mais ses opposants entendent former des recours contre ce scrutin qu’ils dénoncent. La rapidité de la publication de ces résultats provisoires et certains articles de la Constitution motivent leur décision.PUBLICITÉ
Après 37 ans cumulés à la tête du pays, Denis Sassou-Nguesso doit repartir pour un nouveau mandat de cinq ans en tant que président du Congo-Brazzaville. Le chef d’État a été réélu avec 88,57% des voix, selon les résultats provisoires annoncés mardi par Raymond Mboulou, le ministre de l’Intérieur. Après avoir salué ses partisans et formulé des vœux de prospérité, Denis Sassou-Nguesso a lancé un message aux candidats battus dans cette élection. Il leur a rappelé que le Congo-Brazzaville était un bien commun.
Mais cette main tendue n’a pas trouvé preneur. L’opposition est vent debout contre les résultats provisoires proclamés mardi, moins de 48 heures après la fermeture des bureaux de vote. Tous dénoncent un scrutin « calamiteux », alors que les observateurs de l’Union africaine ont noté plusieurs dysfonctionnements dans l’organisation du vote.
« C’est vraiment très sale »
La rapidité de ces résultats provisoires est le grief le plus souvent repris. Mathias Dzon, arrivé troisième selon ces résultats avec 1,90% des suffrages, estime qu’ils ont été compilés dans la précipitation :
« C’est pas en un jour qu’on peut compiler les résultats venus de tout le Congo, et c’est pas de cette façon qu’on peut les donner. Il y a quelque chose qui étonne : dans la plupart des résultats, on suit l’ordre de présentation des candidats sur le bulletin de vote. Donc, c’est quelque chose de préconçu. »
Même son de cloche pour Jean-Jacques Yhombi-Opango, allié de feu Guy-Brice Parfait Kolelas, qui est arrivé deuxième avec 7,84% des voix. Selon lui, la rapidité avec laquelle ces résultats ont été annoncés est douteuse :
« J’aimerais bien voir avec quel matériel ils ont pu faire. Je veux bien qu’on évolue. On nous dit ici qu’il n’y a pas de biométrie, qu’il n’y a pas toute cette technologie. Le faire aussi vite ? Je suis assez surpris. Ce n’est pas normal. Toutes les compilations ne sont pas encore arrivées à Brazzaville. C’est vraiment très sale. »
Le camp Sassou-Nguesso accuse l’opposition d’être désorganisée
L’opposition conteste notamment les résultats en provenance des régions forestières dans le nord, à plus de 900 kilomètres de la capitale Brazzaville. Des accusations rejetées par Anatole Collinet Makosso, porte-parole de la campagne de Denis Sassou-Nguesso, pour qui l’opposition n’avait qu’à être mieux organisée :
« L’État a ses canaux de transmission de l’information. Cela ne doit quand même pas être comparé à l’individu qui ne sait même pas par quel moyen il peut faire parvenir les résultats ici. S’ils étaient mieux organisés, ils pouvaient les avoir. L’État ne doit quand même pas subordonner son fonctionnement à la dextérité, à la diligence ou à la non-diligence des particuliers. Ce n’est pas possible. »
L’article 70 de la Constitution au cœur des débats
Autre motif de contestation de l’opposition : l’article 70 de la Constitution. Ce dernier prévoit deux scenarii : en cas de décès ou d’empêchement d’un candidat avant le 1er tour, le scrutin doit être reporté. Et si cela arrive à un candidat qualifié pour le second, le scrutin doit être annulé et réorganisé…
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Guy-Brice Parfait Kolélas a été hospitalisé samedi 20 mars, à la veille de l’élection présidentielle. Le candidat est décédé dans la nuit du dimanche 21 au lundi 22 mars, dans l’avion qui l’acheminait vers la France, où il devait recevoir des soins. L’opposant congolais, diagnostiqué positif au Covid-19, est mort à l’âge de 60 ans.
Les proches de Guy-Brice Parfait Kolelas vont tenter de justifier le premier cas, puisque leur candidat était en cours d’évacuation sanitaire au moment du vote. Et on s’indigne de l’empressement de la Commission nationale électorale indépendante (Cnei) de disqualifier cet argument, alors que c’est n’est pas son rôle.
Jean-Jacques Yhombi-Opango évoque cet article 70, qu’on « interprète comme on veut, selon son bord ». « Vous vous rendez compte que le patron des élections est passé à la télé pour commencer déjà à justifier l’article 70 ? À ce niveau-là, on devrait juste le lire et laisser les autres l’interpréter ! Mais quand on se justifie, c’est comme si on disait « qui se sent morveux se mouche » », déclare-t-il.
Le président de la Commission électorale, Henri Bouka, avait estimé dès lundi que le scrutin était valide, puisque le candidat Kolelas est décédé après la tenue du vote. Côté pouvoir, on affiche sa sérénité. Le ministre de l’Éducation, Anatole Collinet Makosso, s’appuie sur « les dispositions de l’article 70 ». « Je ne suis pas ces candidats qui voudraient faire usage de leurs droits, même de façon abusive. Mais c’est le jury constitutionnel qui déterminera. Il n’y a aucun problème », assure-t-il.
L’opposition a trois jours, à compter de la lecture des résultats provisoires, pour déposer un recours.