Membre du bureau politique du Parti démocratique gabonais, Mathias Otounga Ossibadjouo, ministre en charge de la Décentralisation, député du premier siège du département de la Sébé-Brikolo a particulièrement alimenté l’actualité ces derniers jours. Entre la tournée mouvementée de l’opposant Alexandre Barro Chambrier, «invité indésirable» à Okondja dont il est lélu, et l’incendie de la maison de Jean-Pierre Lemboumba Lepandou, il se serait confié à des camarades. Echanges dont les audios ont fuité. Dans cet énorme faisceau de présomptions, il s’est prêté aux questions de Gabonreview, le 1er septembre.
L’actualité ces derniers jours a été marquée par la présence mouvementée d’un opposant à Okondja. Et dans les audios qui auraient été émis par vous et ayant fuité, vous l’avez traité d’«Invité indésirable».
Mathias Otounga Ossibadjouo : Nous sommes en démocratie et on m’a expliqué qu’en démocratie multipartiste, les partis politiques sont de deux ordres, deux camps pour schématiser. Un camp qui soutient le pouvoir et un autre qui s’oppose au pouvoir. Les deux camps s’opposent. Et quand quelqu’un s’oppose à vous, est-il désirable ou indésirable ? Je pense que les gens ont pris au premier degré quelque chose dite dans l’humour noir. Je dis bien un invité. Si quelqu’un est un invité ce n’est pas qu’il est à chasser. Mais c’est un invité indésirable parce qu’il ne partage pas mes convictions et que notre tâche en démocratie multipartite est de combattre les positions des uns et des autres. Sauf si on revient dans le parti unique. Dans ces conditions-là, nous n’avons plus d’opposition, plus d’adversaires, nous sommes tous les militants d’une même cause. Je suis surpris que le terme invité indésirable soit transformé comme si j’avais dit que le Monsieur est indésirable. J’ai pris soins de le qualifier d’invité. C’est quoi un invité ? Je dis c’est un invité indésirable parce que c’est quelqu’un qui ne partage pas mes convictions, mais que je suis obligé d’accueillir parce que c’est cela le jeu démocratique.
Sur les réseaux sociaux, des écrits indiquent que vous avez refusé d’aller en tournée parlementaire avec d’autres élus de votre parti. Comment l’expliquez-vous ?
Est-ce que les gens retiennent un peu ce qu’il se passe ? En principe, nous n’avons pas une culture républicaine. Le député élu, quand il est en intersession, il fait un compte rendu des activités parlementaires. Le député élu n’est plus un partisan. C’est le député du peuple. Il vote les lois pour le peuple et quand il vient en intercession, il rend compte au peuple. Ce qu’il se passe en ce moment, je ne sais pas s’il y a des députés élus qui participent à cette tournée. C’est une tournée de compte rendu parlementaire. Ils étaient avant-hier sur le deuxième siège, le député lui-même n’est pas là. Je suis ministre de la République. Lorsque vous êtes ministre, au nom de la séparation des pouvoirs, vous n’êtes plus siégeant. Il y a quelqu’un qui siège à votre place avec tous les pouvoirs. C’est lui qui doit venir faire le compte rendu de ses activités. Il se trouve pour le cas d’Okondja, le député siégeant est malade à Libreville et elle a dit qu’elle fera sa tournée ultérieurement. Quand vous regardez la composition de la délégation, ce ne sont que des Secrétaires fédéraux de notre parti qui circulent. Il ne faut pas qu’il y ait mélange de genres. Ou bien nous faisons notre tournée politique du PDG ou bien le député fait sa tournée de compte rendu parlementaire. Quand nous faisons notre tournée politique du PDG, nous allons nous adresser à nos militants du PDG. Quand le député de la République fait sa tournée parlementaire de compte rendu, il s’adresse aux citoyens de tous bords politiques. Le député vote les lois pour le peuple. Ce n’est plus le candidat PDG qui circule, c’est le député élu, représentant des populations de tous bords politiques.
Il y a trois sièges à Okondja. Au premier siège, le député s’appelle Léda Ontchékou, elle est à Libreville. Elle a expliqué qu’elle ne pourra faire sa tournée qu’à la mi-octobre parce qu’elle a un problème médical. Le député au deuxième siège s’appelle Engandji Arnaud, il n’est pas en train de faire son compte rendu parlementaire. Mais on voudrait que j’aille me muer en député pour qu’on dise qu’il y a un mélange de genre et qu’il y a un membre du gouvernement qui fait des comptes rendus parlementaires. Je ne tomberais pas dans ce genre de piège.
Le 26 août dernier, vous avez convoqué les chefs de quartiers d’Okondja. De quoi était-il question ?
Je n’ai pas convoqué les chefs de quartiers. Je suis député élu d’Okondja. Je suis membre du Bureau politique pour la commune d’Okondja, je suis membre du gouvernement et nous entretenons régulièrement des rencontres avec les populations. Les chefs de quartiers sont allés rencontrer Monsieur le maire de la commune pour lui demander pourquoi depuis un moment ils ne voient plus le ministre. Ce n’est donc pas moi mais bien eux qui m’ont convoqué. Je leur ai expliqué que depuis un bon bout de temps, la crise de la Covid-19 a fait qu’on suspende les activités de masse. Vous connaissez les règles qui président les rencontres politiques maintenant. Je leur ai expliqué que lorsque nous voulions faire des activités, il y a eu un communiqué du ministre du l’Intérieur qui est venu rappeler les conditions de tenue des réunions. Il n’a été question que de leur expliquer qu’ils attendent que le gouvernement lève les mesures du Covid-19 et ils verront que les gens vont à nouveau sillonner. J’ai entendu dire qu’au cours de cet échange, j’aurai raconté que la maison du ministre Lemboumba aurait été attaquée au drone. C’est vraiment une hystérie collective.
Revenons à cet incendie. Selon les mêmes sources, lors de cette réunion avec les chefs de quartiers, vous avez vite fait de dégager votre responsabilité quant à ce sinistre. Pourquoi cet empressement ?
A quel moment et qu’ai-je dis ? Il faut bien les écouter, les audios. C’est la première chose. La deuxième chose est que cet incendie n’est pas un sujet tabou à Okondja. Je vais vous rappeler que Lemboumba Jean-Pierre et moi avons des relations particulières, familiales, très proches. Ce monsieur a toujours été là, à un moment crucial de ma vie. Même quand je me suis marié, j’ai célébré mon mariage dans l’une de ses villas. Et de toute manière, quelque chose qui accablerait monsieur Lemboumba ne saurait être un sujet tabou pour moi. Mais, je ne sais même pas dans quelles circonstances, comment et qu’est-ce que j’aurais dit à propos de cet incendie. Je ne me souviens pas m’être exprimé sur cet incendie à proprement parlé.
Le Secrétaire fédéral du PDG dans la Sébé Brikolo a annoncé une sanction contre Léandre Mesmin Mahoungou qui aurait fait fuiter vos audios. En tant qu’émetteur du message problématique, avez-vous aussi été entendu par les instances du parti ?
Est-ce qu’il a été entendu ? Je ne le sais pas. Est-ce que vous n’allez pas vite en besogne ? On va dans des amalgames. Chacun de nos partis a des modes de fonctionnement inscrits dans les statuts et règlements intérieurs. Je me suis laissé dire qu’il y a eu une demande d’explication. Mais posez la question aux instances du parti. Est-ce que j’ai enfreint une disposition réglementaire ou statutaire qui nécessiterait qu’on m’entende ? Je ne me souviens pas avoir posé un acte qui va nécessiter qu’on m’entende. Mais de toutes les manières, si je dois être entendu, je me présenterais. Vraiment, je ne comprends pas ce qu’il se passe. Nous sommes en démocratie. En démocratie, chaque parti a ses militants et voyez, même dans les grandes démocraties lorsque les manifestations sont organisées, il y a des corridors et on fait en sorte que des partis opposés ne se croisent pas pour éviter des incidents. C’est partout pareil. C’est exactement le sens de mon instruction au fédéral. Réécoutez-moi. En dehors du terme qui semble choquer beaucoup, je dis que les consignes sont clairs : contenez nos militants, évitez les attroupements au passage des autres. Parce que c’est quand on se frotte qu’on a des incidents. Et d’ailleurs, l’incident qu’on regrette et qu’on a même oublié est venu de ce qu’une des personnes qui n’était certainement pas du bord du visiteur soit allé le malmener verbalement. Mais si les gens s’étaient contenus, étaient restés de leur côté, est-ce qu’on aurait eu ce genre de situation ? Je ne comprends pas qu’au lieu d’aller chercher qui a fait ce désordre, qu’on vienne insulter celui qui voulait éviter ce genre de chose. Même le jour où je voudrais faire mes activités dans ces conditions, je suis sûr qu’on va donner instructions aux militants là-bas de ne pas se mettre en travers de notre chemin, notre trajectoire.
Dans ce contexte tout de même confus, si vous aviez un message essentiel à lancer, que diriez-vous ?
Je dirais que tout ce que nous faisons-là va produire les effets à long terme. Si nous voulons la démocratie, appliquons les règles de la démocratie. Les règles c’est quoi ? Chaque parti a ses militants. Et chaque parti a ses modes de fonctionnement. Lorsqu’un parti adverse arrive, je ne vois pas pourquoi je devrais dire à mes militants d’aller assister à leur meeting. C’est pousser même au désordre. J’ai dit qu’il faut contenir ces militants pour que la démocratie s’exerce, pour que les autres s’expriment. Et lorsque vous vous exprimez, eux aussi se mettent à côté. Apparemment ce qu’on me reproche, c’est que j’aurais dû dire à mes militants d’aller dans ce meeting. Ensuite, quand je dis un invité indésirable, quelqu’un qui ne partage pas ta position n’est pas quelqu’un de désirable. Mais c’est un invité quand même. Il faut qu’on comprenne mes mots. J’ai dit un invité, quelqu’un que l’on fait venir. Ce n’est pas quelqu’un qu’on a chassé. Je n’ai pas dit un ennemi, j’ai dit un invité, mais indésirable par rapport à la philosophie selon laquelle je ne partage par ses idées et il ne partage pas les miennes. Ce n’est donc pas quelqu’un qui va être là et avec qui on va discuter de manière agréable, avec des convergences de vue. Je ne vois pas en quoi invité indésirable est comme si j’avais dit que c’est un ennemi qu’il faut poignarder. J’évitais juste ce que les frottements pouvaient engendrer. Les gens disent que le langage est source de malentendu. La preuve, regardez mon audio et les malentendus qu’il a suscités. Mais si les gens avaient assisté à un meeting et avaient pris, par exemple la liberté de contredire, qu’est-ce qu’il se serait passé ?